LA FORÊT / L'ARBRE
Légèreté de l'oiseau qui n'a pas besoin, pour chanter, de posséder la forêt, pas même un seul arbre.
"Christian Bobin"
J'ai voulu créer volontairement cette section pour partager mon point de vue et sensibiliser les personnes qui voudraient travailler avec moi afin de proposer une autre approche de la forêt plutôt qu'un simple lieu de consommation où l'on vient se servir gratuitement.
J'ai voulu également les amener à comprendre qu'avant d'être abattu pour être utilisé dans une charpente, l'arbre est un être vivant silencieux qui vit la plupart du temps parmi toute une communauté avec des codes établis depuis des millénaires et bien souvent incompris de l'être humain . . .
Promenons nous dans les bois . . .
Dans le dictionnaire du Larousse on peut lire comme définition de la forêt :
« Grande étendue de terrain couverte d’arbres ; ensemble des grands arbres qui occupent, qui couvrent cette étendue. »
Je trouve cette définition relativement pauvre pour cette « étendue » pourtant si riche.
Je préfère celle de Peter Wohlleben dans son livre La vie secrète des arbres :
« Étrange mélange de puissance et de délicatesse, monde végétal plein de recoins et de mystères… Parfums de mousse et d’humus, craquement de bois, cris d’oiseaux, vent dans les branches, ombres et lumières… Elle nous chuchote des mots inconnus qui pourtant nous parlent au plus profond. »
C’est à partir de l’âge de 8 ans que j’ai senti « l’appel de la forêt » et, comme beaucoup d’enfants, je me suis mis à y construire des cabanes de toutes sortes et de toutes formes.
Mais ce qui reste gravé dans la mémoire de mon corps, ce sont les odeurs et les bruits qui s’y dégageaient, la lumière du soleil qui filtrait à travers les arbres, la pénombre qui m’enveloppait et me faisait courir à toute jambe jusqu’à la maison le soir venu.
À présent, avec mes yeux d’adulte, la magie de l’enfance s’étant transformée, je perçois plutôt un grand calme qui s’en dégage et en observant les arbres, je me rends compte qu’à la différence de l’être humain, ils ne peuvent pas se mouvoir. Ils paraissent comme dans l’accueil véritable des conditions extérieures, de la plus douce à la plus extrême et cela sans aucun bruit…
Comme dans une forme de parfaite alchimie d’adaptation et de résilience.
Pendant que la forêt pousse . . .
La complexité est d’arriver à trouver un juste équilibre entre mes ressentis, à travers toute cette beauté qui s’offre à l’être humain, à partir du moment où il en prend conscience. Mon travail consiste également à utiliser le matériau bois dans les constructions de mes clients et donc irrémédiablement à ôter la vie de plusieurs arbres.
Je fonctionne avec des bucherons locaux indépendants, il m’est arrivé moi-même d’abattre quelques douglas, toutefois je privilégie le prélèvement lorsque le vent a fait son œuvre en déracinant les arbres. J’emmène les grumes dans deux scieries locales et je participe constamment au sciage, au tri des bois et au séchage dans mon hangar et dans l’atelier partagé (Voir section « L’ATELIER« )
Je livre ci-dessous quelques approches de la forêt qui me permettent de garder cet équilibre pour éviter la « surexploitation » de la forêt et dans « l’objetisation » de l’arbre. C’est comme une ligne directrice, un alignement, un ancrage.
POINT SUR LA FORÊT FRANÇAISE
Le secteur industriel et la guerre ayant participé massivement à l’utilisation de la forêt principalement en tant que ressource pour le charbon et pour la construction, la politique forestière s’est tournée vers la monoculture (utilisation sur un sol d’une seule et même essence d’arbre avec un cycle sur une soixantaine d’années de coupes régulières – coupe à blanc – re-plantation) défavorisant grandement, à terme, la biodiversité à la fois sur terre (végétaux, animaux, oiseaux) et sous terre (humus, champignons, vers de terre, bactéries).
Il y a plusieurs siècles, en France, existaient encore ce qu’on appelle des forêts primaires (vierge de l’intervention de l’être humain). Aujourd’hui il n’y en a plus, on peut noter toutefois que des projets sont en cours pour recréer ce genre de milieu.
Elles ont toutes été exploitées et transformées soit en forêts secondaires (on parle alors de vieilles forêts) ou en prairies pour l’agriculture. Certaines prairies se sont reboisées mais il faut plusieurs dizaines d’années voire de siècles pour recréer une biodiversité propre à la forêt.
En France, d’après les derniers chiffres de FRANSYLVA et le CNPF, la forêt appartient à 25% à l’état (forêt publique) et 75% à des particuliers (forêt privées).
Sur les 75% de propriétaires privés :
- 2 203 000 propriétaires possèdent moins d’1 hectare, cela représente 687 000 hectares.
- 9000 propriétaires possèdent plus de 100 hectares, cela représente 2 174 000 hectares.
Ces chiffres montrent qu’une grande majorité des forêts appartient à une minorité de propriétaires, qui pour entretenir leur centaines d’hectares de forêt n’ont pas d’autres choix que de faire appel à plusieurs gestionnaires forestiers, à des abatteuses forestières et des grosses scieries.
Ainsi, pour se faire entendre, ou tout du moins proposer quelque chose de différent, il devient nécessaire de garder une certaine connexion avec la forêt et de se regrouper tout en minimisant notre impact en tant qu’être humain.
Voici deux approches qui peuvent être complémentaires :
LES GROUPEMENTS FORESTIER
LE GROUPEMENT FORESTIER CITOYEN DES BOIS NOIRS (ALLIER 03)
CE QUE DIT "LE CODE FORESTIER"
Article L331-1 :
Un groupement forestier est une société civile créée en vue de la constitution, l’amélioration, l’équipement, la conservation ou la gestion d’un ou plusieurs massifs forestiers ainsi que de l’acquisition de bois et forêts.
Cela peut-être des propriétaires privés qui souhaitent mettre en commun leur parcelle pour une meilleure gestion et parce qu’ils n’ont pas le temps ou les compétences pour le faire, ou pour investir dans la forêt et/ou éventuellement comme dans le cas du Groupement Forestier des Bois Noirs, de favoriser une action collective et écologique de protection et préservation de la forêt.
LA SYLVOTHERAPIE (THÉRAPIE FORESTIÈRE)
J’ai eu la chance de rencontrer Franck BERNIGAUD, guide de bain de forêt, avec qui j’ai pu suivre un programme sur mesure de 3 mois sous forme de promenades en forêt, d’exercices à la maison et de temps bilan.
Mon objectif avant cette expérience était de me reconnecter à la forêt car après 3 ans de dessin en bureau d’études, 4 ans d’enseignement technique en lycée privé, 2 années à mon compte en tant que constructeur bois, j’avais l’impression d’avoir perdu le lien avec la forêt, l’arbre et le matériau bois. J’avais cette sensation d’avoir appris quantité de solutions techniques, de méthodes et de m’être éloigné petit à petit de l’essentiel.
Pendant ces 3 mois j’ai appris à refaire silence, à découvrir la « vrai » forêt, à remettre en route mes 5 sens. En plus de me reconnecter avec la forêt je me suis surtout reconnecté à moi-même. L’appel de la forêt et y répondre est un chemin très particulier car on a bien souvent oublié des codes que nos très lointains ancêtres connaissaient et pourtant qui sont simplement à « Réactiver ».
Je conseille à tout le monde ce genre d’expérience.